REVIEWS

by Étienne Hatt
Artpress n°489
May 2021

Guillaume-Benjamin Duchenne, dit Duchenne de Boulogne, est ce physiologiste qui, au milieu du 19e siècle, utilisa l’électricité pour provoquer la contraction artificielle des muscles du visage et la photographie pour fixer le résultat de ses expériences. Il publia en 1862 Mécanisme de la physionomie humaine, ou analyse électrophysiologique des passions dont le sous-titre et les illustrations précisent l’intention : jeter un regard scientifique sur la tradition artistique de l’expression des passions dont il n’hésita pas à corriger des références erronées à ses yeux comme la Laocoon. Son traité, l’album de ses essais et des agrandissements ovales contrecollés sur toile à des fins pédagogiques entrèrent, avec des dessins, plâtres et moulages, dans la collection de l’École des beaux-arts de Paris à sa mort en 1875. C’est là qu’Éléonore False, en résidence de création dans son ancienne école, a pu consulter et concevoir avec Kathy Alliou l’exposition Tout me trouble à la surface. Cette dernière est une installation qui interprète autant les images de Duchenne que son album d’essais. Le sol est en effet une immense page dont on arpente les revers en prenant soin de ne pas fouler le verso des photographies qui y sont supposément insérées. Leur recto nous échappe et, contrairement à l’abondance suggérée par l’album et les planches de Duchenne, False ne retient que quelques photographies du fonds. Elle s’est concentrée sur l’un des cobayes du médecin, un vieil homme édenté, cordonnier de son état, dont elle a soumis les clichées aux transformations qu’elle fait subir habituellement aux images : fragmentation, agrandissement et spatialisation. L’exposition comprend deux types de sculptures photographiques. Les premières sont des impressions contrecollées sur une plaque d’aluminium découpée aux formes du fragment et pliée. Les détails ainsi révélés par False insistent sur le contexte médical et scientifique des prises de vue dont témoignent les mains de Duchenne tenant une électrode. Les secondes sont des tirages sur linoléum. Ils pendant aux murs ou du plafond. C’est la première fois que False recourt à ce procédé dont le résultat est ici saisissant. Les fragments découpés sont des détails démesurément agrandis du visage du vieil homme. Là, un oeil manifestant la surprise, ici, la bouche ouverte exprimant l’effroi. En sélectionnant un détail, False prolonge à sa manière le dispositif de Duchenne dont certaines photographies comprenaient des caches mobiles devant faciliter la démonstration. Surtout, ces fragments sont des lambeaux de peaux. L’épiderme du vieux cordonnier se mélange à l’albumine du tirage : le visage a jauni et la photgraphie s’est ridée, l’un et l’autre ont été restaurés. Finalement, loin des expériences, c’est la survivance de cet homme dans l’image qui fait la beauté de cette exposition. D’ailleurs, on discerne avec émotion ses traits dans les têtes d’expression de la fin du 19e et du début du 20e siècle que False a extraites des collections.

Guillaume-Benjamin Duchenne de Boulogne was a physiologist who, in the middle of the 19th century, used electricity to induce artificial contraction of the facial muscles, and used photography ti record the results of his experiments. In 1862 he published The Mechanism of Human Physiological Analysis of the Expression of the Passions, the subtitle and illustrations of which make his intention clear : to take a scientific look at the artistic tradition of the expression of the passions, for which he didn’t hesitate to correct references that were erroneous in his eyes, such as the Laocoon. After his death in 1875, his treatise, the album of the experiments, and oval enlargements pasted on canvas for teaching purposes entered, along with drawings, plaster casts and moulds, the collections of the École des Beaux-Arts de Paris. It was there that Éléonore False (b. 1987), in artistic residency at his former school, was able to consult them, and together with Kathy Alliou, conceive the exhibition Tout me trouble à la Surface (Everything Troubles Me On the Surface). The latter in an installation that interprets both Duchennes’s images and his album of experiments. The floor is in fact an immense page the reverse side of wich we walk over, taking care not to tread on the back of the photographs that are supposedly inserted into it. Their font side escapes us and, contrary to the abundance suggested by the album and Duchennes’s plates, False retains only a few photographs from the collection. She has concentrated on one of the doctor’s guinea pigs, a tooth-less old man who was a cobbler. She has subjected his photographs to the transformations she usually applies to images: fragmentation, enlargement ans spatialization. The exhibition includes two types of photographic sculptures. The first are prints laminated onto an aluminium plate cut to the shape of the fragment and folded. The details revealed by Fale emphasise the medical and scientific context of the photographs, as evidenced by Duchenne’s hands holding and electrode. The seconds are prints on linoleum. They hang from the walls and ceiling. this is the first time that False has used this process, and the result is striking. The cut-out fragments are disproportionately large details of the old man’s face: here an eye expressing surprise, there the open mouth expressing fright. By selecting a detail, False extends in her own way the device used by Duchenne, whose photographs included movable covers to facilitate demonstration. Above all, these fragments are shreds of skin. The epidermis of the old cobbler is mixed with the albumen of the print: the face has yellowed and the photograph has wrinkled, both have been restored. Finally, far from the experiments, it is the survival of this man in the image that makes the beauty of this exhibition. Indeed, his features are movingly discernible amid the expressive heads form the late 19th and early 20th centuries that False has extracted from the collections.